Le 21 février dernier, La Maudite Française publiait le texte « Se sent-on un jour réellement chez soi lorsqu’on vit à l’étranger? » J’imagine que c’est une question que se posent tous les expatriés et les familles qui déménagent régulièrement. Dieu sait que mon Chéri et moi nous la sommes posés!
Nous avons été expatriés aux États-Unis pendant un peu plus de deux ans. Après 3 ans au Québec et 4 ans en Ontario, nous sommes maintenant installés en Nouvelle-Écosse depuis presque 3 ans. Si je suis de retour au pays, suis-je pour autant chez-moi? Pas tout à fait…
Je suis une fille de Québec, berceau de l’Amérique française. Vivre dans une province anglophone riche de sa propre histoire me confronte à cette réalité que je ne suis pas d’ici. Tout est différent! J’ai laissé mon fleuve pour les côtes de l’Atlantique. Le peuple huron pour les Mi’kmaqs. Une ville de fonctionnaire pour de nombreux villages de pêcheurs. La poutine pour le homard et les donairs. Au-delà de ces clichés, il y a aussi tout un état d’esprit, une culture et un tissu social qui exhalent de subtiles différences.
Pourtant, j’arrive presque à me sentir chez nous.
Parce que mon clan est ici avec moi.
C’est souvent notre premier réflexe! Dire que chez nous c’est où se trouve notre petite famille. Je suis ici avec mon mari et mes deux enfants. Où que nous soyons ensemble, nous serons chez nous.
Mais le véritable test serait-il de pouvoir répondre à la question « Où iras-tu si ton conjoint décède? ». « Où vivras-tu quand les enfants quitteront la maison? »? Je ne sais pas… je me suis posé la question, mais je ne sais pas encore quoi répondre…
Et si mon clan fait toute la différence, pourquoi je me sentirais plus ici chez-moi qu’en Ontario? Parce que chez nous c’est plus que notre clan.
Parce que j’ai créé un nid
Je me sens chez nous parce que nous pouvons modifier ou réaménager notre maison à notre goût à nous. Pas pour un prochain acheteur! Pas pour avoir un meilleur prix dans deux ans ! Juste parce que nous le voulons. Sans arrière-pensées.
S’installer pour rester aide à se sentir chez nous… même si je sais au fond de moi que je serais prête à tout recommencer ailleurs.
Parce que j’ai créé des liens
Pour être bien, je dois me sentir chez nous en dehors de notre cocon familial. Quand je sors de la maison. Quand j’interagis avec le reste de la société. Et je dois y arriver en dépit de la langue… ce qui représente un défi. Mais j’y arrive! Selon les circonstances…
Ce qui aide à me sentir chez nous c’est cette famille que nous avons retrouvée ici. Ce réseau composé d’une tante, d’un oncle et nombreux cousins qui nous ont accueillis et acceptés à bras ouverts.
C’est aussi pouvoir écrire le nom de 3 personnes disponibles en cas d’urgence sur le formulaire d’inscription de l’école. Trois membres de la famille. Une première en 12 ans!
Il y a aussi ces autres liens que nous tissons tranquillement — ces liens communautaires qui font que nous sommes reconnus, que nous sommes plus qu’un touriste de passage. Ces liens qui font en sorte que si on me demande « Did you hear about that girl…? », je peux répondre « Oh yes, I heard! » et que je sais même de qui on parle!
Parce que j’ai trouvé une zone de confort
Je me sens chez nous quand je roule sur l’autoroute et que je me dis « Wow! C’est tellement beau! Je suis chanceuse de rester ici ! » Ou quand j’arrive à bon port sans me demander par où passer… sans surveiller quelle sortie je dois prendre… quand je roule sur le pilote automatique… ou quand je passe tout droit, mais que je sais comment me retrouver… sans GPS.
Parce que j’adore la nature de la Nouvelle-Écosse
Peu importe où nous sommes, la nature est toujours accueillante et source de réconfort. Elle ne juge pas. Elle n’est pas territoriale. Elle est, tout simplement. Mais certains paysages nous font vibrer plus que d’autres. Et j’apprécie tout particulièrement ceux de la Nouvelle-Écosse : les nombreux lacs, les baies, la côte, l’océan, les falaises, les plages. Je ne me lasse pas de la diversité des paysages. L’hiver n’est pas parfait, mais bon…
Mais surtout parce que j’ai choisi et décidé d’être ici chez nous…
Je me sens chez nous en Nouvelle-Écosse parce que j’ai choisi d’y être. Nous sommes arrivés ici grâce au travail de mon Guerrier, mais nous sommes restés par amour pour l’endroit. C’est une question de feeling. Ce que nous n’avions pas en Ontario.
Je me sens chez nous ici parce que je suis assez lucide pour réaliser qu’ailleurs ce ne serait pas parfait non plus. Et parce que je trouve ça cool de vivre en Nouvelle-Écosse!
Oui, mon cœur appartient à la ville de Québec. Mais aujourd’hui cette ville n’est pas pour moi. Elle n’est pas pour nous. Et présentement, nous est important.
Oui, je me sentais encore plus chez nous en Géorgie, mais je ne suis pas près d’y remettre les pieds… Le climat politique et la violence m’en empêchent.
Ici, j’ai absolument tout ce dont j’ai besoin. J’aime profondément notre nouvelle vie. Notre environnement. Notre routine. J’aime nous ici.
Mais…
Alors qu’est-ce qui manque pour être entièrement chez nous?
Chez-moi c’est Québec. Chez nous c’est la Géorgie. Ici? Le juste milieu…
La langue sera toujours un obstacle. La facilité de communication. La subtilité des échanges.
Mon passé sera toujours un obstacle. Le fait d’être née à Québec et pas ici.
Mon côté bohème sera toujours un obstacle… Je choisis de me sentir ici chez nous parce qu’autrement je voudrais partir à nouveau. Et cette fois-ci, je suis la seule à le vouloir.
Québec sera toujours mon chez-moi. Mon refuge. Je sais que je peux y retourner, louer un appartement dans le quartier Montcalm et me sentir chez-moi. Mais je peux aussi l’être à des milliers de kilomètres, sur le bord d’un lac de la Nouvelle-Écosse.
Je suis bien ici, maintenant. Chez nous. Je n’ai pas à chercher ailleurs.
Pour le moment.
Lyne, ton texte est magnifique!
Et me fait réaliser tout le chemin que vous avez parcouru pour en arriver à ce choix de vie et ce sentiment de vous sentir chez vous. Je réalise aussi que je ne suis pas encore aussi loin dans ma réflexion…mais que tout ça est très dépendant de ma volonté aussi finalement. Se sentir chez soi, c’est aussi vouloir se sentir chez soi, là où on est, et faire ce qu’il faut pour que cela se réalise.
Merci 🙂
Merci à toi pour cette opportunité de réflexion! 🙂
Je pense effectivement qu’au final, c’est une question de choix et ensuite d’assumer ce choix. Ça ne veut pas dire que c’est parfait mais que c’est ce qu’il y a de mieux pour nous maintenant. 🙂
superbe texte où je me retrouve pas mal en fait .. et cela tombe bien car je me faisais la reflexion récemment : suis-je chez moi ici ? parfois c’est ce que je me dis, parfois, des détails me reviennent en pleine figure pour me faire dire, que non, j’ai beau avoir la citoyenneté américaine, je serais toujours un citoyen de seconde zone.
Merci Isabelle! Et je me demande si nous retournons « chez-nous », est-ce qu’on se sentirait chez-nous encore? Quand je suis retournée à Québec pour trois ans, je n’étais plus la même que celle qui avait quitté… C’était confortable, mais ce n’étais plus ma place. J’ai l’impression que du moment où tu quittes, le chez-soi devient une toute autre dimension qu’un simple lieu.